L'héritage moderniste du Front de Seine
15ᵉ arrondissement
Exemple de l’urbanisme sur dalle expérimenté dans les années 1960-1970, le quartier du Front de Seine se distingue par la mixité de ses fonctions : les habitations et les bureaux ont été érigés selon les principes de la Charte d’Athènes, établis en 1933 par les architectes et urbanistes du mouvement moderne. Depuis vingt ans, le quartier en bord de Seine opère lentement sa mue par touches successives, à travers des réhabilitations et des aménagements ponctuels. Comme ailleurs, l’héritage moderniste est confronté aux aspirations et aux enjeux contemporains. Cheminez entre les tours et les strates de la dalle Beaugrenelle !
Ce parcours a été réalisé en partenariat avec les CAUE d'Île-de-France et avec le soutien de la Direction Régionale des Affaires Culturelles, dans le cadre d'Archipel Francilien.
Aperçu du parcours
Pont Mirabeau
Le Front de Seine depuis le pont Mirabeau © Martin Argyroglo
À la fin du XIXᵉ siècle, le quartier de Beaugrenelle voit son paysage se transformer sous l'effet de la révolution industrielle. De nombreuses usines sortent de terre, dessinant un horizon jonché de halles basses au bord de la Seine. D'abord occupé par des usines destinées à la fabrication d'obus durant la Première Guerre mondiale, le quai accueille ensuite majoritairement des usines métallurgiques et automobiles telle que l'usine de Javel, conçue par André Citroën en 1933. Plusieurs décennies plus tard, ce patrimoine bâti ne sera pas conservé et la majorité des usines du quartier sont détruites sous l'effet de la spéculation immobilière et des politiques de désindustrialisation des années 60.
Vue aérienne sur l'usine Citroën et le quai de Javel © SHA15, vers 1960
La démolition des industries et le contexte de reconstruction d'après-guerre poussent à repenser entièrement le paysage du Front de Seine. Commandité par Bernard Lafay, le président du conseil municipal, le dessin de ce territoire est confié à Raymond Lopez, associé à Michel Holley. Appelés à repenser en priorité les logements et la circulation du quartier, ils conçoivent alors le PUD (plan d'urbanisme directeur) et lancent parallèlement le Plan Lopez en 1959. Motivé par l'idée d'un grand projet neuf offrant tout le confort moderne, le quartier de Beaugrenelle et les formes urbaines qui le composent se métamorphosent radicalement. Après le décès de Raymond Lopez, Michel Holley et l'architecte Michel Proux reprennent son agence et terminent le projet du Front de Seine. Cette refonte est envisagée selon le concept de tabula rasa (désignant le fait de recommencer à zéro).
L'équipe Lopez au travail à l’hôtel de Sens pour le PUD © PariSeine, archives 1961
Raymond Lopez devant la maquette du projet du Front de Seine © PariSeine
Raymond Lopez, architecte en charge de l'aménagement, prône l'idée d'une mutation totale de la ville et conçoit ce plan selon une logique d'urbanisme vertical et fonctionnel qui transforme radicalement le paysage de bords de Seine. Architecture de tours et bâtiments de bureaux aux allures de vaisseaux spatiaux se dressent désormais sur une dalle de 6 mètres de hauteur. Répondant à la fois au besoin de densité dans la Ville de Paris et à la nécessité de libérer le sol pour les circulations motorisées en plein essor, l'architecture doit jouer de ses formes pour offrir le maximum de surfaces au sein des bâtiments.
Perspective aérienne du projet du Front de Seine © PariSeine, 1961
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Pont Mirabeau
Le Front de Seine depuis le pont Mirabeau © Martin Argyroglo
À la fin du XIXᵉ siècle, le quartier de Beaugrenelle voit son paysage se transformer sous l'effet de la révolution industrielle. De nombreuses usines sortent de terre, dessinant un horizon jonché de halles basses au bord de la Seine. D'abord occupé par des usines destinées à la fabrication d'obus durant la Première Guerre mondiale, le quai accueille ensuite majoritairement des usines métallurgiques et automobiles telle que l'usine de Javel, conçue par André Citroën en 1933. Plusieurs décennies plus tard, ce patrimoine bâti ne sera pas conservé et la majorité des usines du quartier sont détruites sous l'effet de la spéculation immobilière et des politiques de désindustrialisation des années 60.
Vue aérienne sur l'usine Citroën et le quai de Javel © SHA15, vers 1960
La démolition des industries et le contexte de reconstruction d'après-guerre poussent à repenser entièrement le paysage du Front de Seine. Commandité par Bernard Lafay, le président du conseil municipal, le dessin de ce territoire est confié à Raymond Lopez, associé à Michel Holley. Appelés à repenser en priorité les logements et la circulation du quartier, ils conçoivent alors le PUD (plan d'urbanisme directeur) et lancent parallèlement le Plan Lopez en 1959. Motivé par l'idée d'un grand projet neuf offrant tout le confort moderne, le quartier de Beaugrenelle et les formes urbaines qui le composent se métamorphosent radicalement. Après le décès de Raymond Lopez, Michel Holley et l'architecte Michel Proux reprennent son agence et terminent le projet du Front de Seine. Cette refonte est envisagée selon le concept de tabula rasa (désignant le fait de recommencer à zéro).
L'équipe Lopez au travail à l’hôtel de Sens pour le PUD © PariSeine, archives 1961
Raymond Lopez devant la maquette du projet du Front de Seine © PariSeine
Raymond Lopez, architecte en charge de l'aménagement, prône l'idée d'une mutation totale de la ville et conçoit ce plan selon une logique d'urbanisme vertical et fonctionnel qui transforme radicalement le paysage de bords de Seine. Architecture de tours et bâtiments de bureaux aux allures de vaisseaux spatiaux se dressent désormais sur une dalle de 6 mètres de hauteur. Répondant à la fois au besoin de densité dans la Ville de Paris et à la nécessité de libérer le sol pour les circulations motorisées en plein essor, l'architecture doit jouer de ses formes pour offrir le maximum de surfaces au sein des bâtiments.
Perspective aérienne du projet du Front de Seine © PariSeine, 1961
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Tour Mirabeau
La tour Mirabeau © Martin Argyroglo
Avec la désindustrialisation vient aussi le développement du secteur tertiaire. Indépendamment des tours, les usines démolies sont ainsi remplacées par des bureaux et des équipements commerciaux. Leur construction est envisagée à l'aune des enjeux de rentabilité de l'époque : construire le plus de surface possible tout en libérant les sols. La tour Mirabeau est fidèle à ce fonctionnement et démontre, tant par son insertion urbaine en différents niveaux de sol, que par sa technique, qu'elle s'inscrit pleinement dans l'architecture de son temps. Pensé selon le principe de séparation des fonctions, le plan urbain prévoit la construction de bureaux accessibles depuis la dalle et de moindres hauteurs que les tours.
Coupe de principe montrant la séparation verticale des fonctions, par Michel Holley pour Raymond Lopez © Fonds Michel Holley, 1961
Ce bâtiment des architectes Noël Le Maresquier (1903-1982) et Pierre-Paul Heckly (1933-2018) est achevé en 1972. Héritiers de la pensée moderniste, les architectes placent notamment au centre de leur réflexion l'amélioration du confort de vie des usagers, en réaction à l'insalubrité observée dans certains immeubles parisiens. La géométrie triangulaire du bâtiment - appelée plan tripode et en vogue à cette époque - permet en effet d'éviter ces problèmes d'insalubrité en offrant des surfaces amples, lumineuses et traversantes grâce à de longs déroulés de façades.
Façade de la tour Mirabeau © Martin Argyroglo
Sa façade est habillée d'une seconde peau en blocs châssis préfabriqués d'aluminium qui crée des jeux d'ombres et de lumières tout au long de la journée. C'est la technique de la préfabrication, généralisée dans les années 70, qui permet la répétition de ces profils triangulaires, formant finalement un motif à l'échelle du bâtiment. Les architectes modernes aspirent à complexifier les façades des bâtiments pour palier à l'esthétique monotone que la préfabrication peut générer. Ils tentent aussi de s'affranchir d'une esthétique passée.
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Tour Espace 2000
Maquette d'aménagement du quartier Beaugrenelle © Collection du Pavillon de l'Arsenal
En dessinant le plan urbain, les architectes Raymond Lopez (1904-1966) et Michel Holley (1924-2022) s'attachent à ce que l'ensemble des tours de la dalle respectent une hauteur constante. En effet, une des caractéristiques majeures du paysage parisien est l'uniformité de la hauteur de ses constructions - notamment des immeubles haussmanniens - qui doit, selon les architectes de la dalle, être maintenue à l'échelle de la ville. L'ensemble des tours atteignent donc des hauteurs comprises entre 85 mètres et 100 mètres de haut sur l'ensemble de la dalle pour maintenir cette uniformité.
La tour Espace 2000 © Martin Argyroglo
La tour Espace 2000 se dresse à 98 mètres de haut et compte 32 étages. Cette dernière, s'inscrit dans une esthétique moderne plutôt classique et répond aux souhaits d'homogénéité et de rationalisme envisagés entre les différentes tours. Achevée en 1976 et conçue par l'agence Delaage-Tsaropoulos, cette tour adopte une morphologie en taille de guêpe, comme cela est souhaité dans le plan urbain. Cette géométrie, plus fine en rez-de-dalle, permet d'affiner l'emprise au sol de la tour et d'accentuer l'effet d'élancement.
Au pied de la tour Espace 2000 © Martin Argyroglo
L'usage de la préfabrication entraîne une répétition des formes perçue comme monotone dans les années 60 et 70. Bien que critiquée, cette technique de construction ne sera pas pour autant remise en cause, face aux prouesses d'efficacité qu'elle confère durant les chantiers. Pour pallier aux critiques émises, les architectes font plutôt le choix de complexifier les éléments de préfabrication pour que leurs constructions ne soient plus perçues comme monotones. C'est le cas de cette tour : ses architectes ont habillé les façades d'une résille en béton dessinant des motifs en pointes de diamant, créant des jeux d'ombres et de lumières et lui conférant un caractère unique.
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Centre commercial de Beaugrenelle
Le centre commercial de Beaugrenelle © Martin Argyroglo
Le premier centre commercial de Beaugrenelle est construit en 1979. Il est pensé dans le but de faire de Beaugrenelle un véritable quartier attractif où habitats et activités coexistent. Le centre commercial ne répondra cependant pas à ces attentes : de nombreuses boutiques ferment progressivement jusqu'à un abandon total du bâtiment dans les années 2000. Face à ce constat, les propriétaires du centre commercial décident de faire détruire le bâtiment existant et de lancer un concours pour envisager sa reconstruction. L'agence Valode & Pistre architectes est en charge de sa reconstruction et les travaux sont lancés en 2006.
Croquis du centre commercial de Beaugrenelle par Denis Valode © Valode & Pistre Architectes
Le nouveau projet de centre commercial aspire à maintenir les principes érigés par la modernité dans le quartier tout en ouvrant le bâtiment sur la ville. Il devient, par sa morphologie, une porte d'entrée du 15ᵉ arrondissement. Accessible depuis la rue et doté de façades vitrées qui s'arrondissent aux angles de la rue Linois, il retrouve une forme urbaine lisible et identifiable qui le rend attractif. Bien que le bâtiment adopte un langage architectural contemporain, notamment dans le travail de la structure et l'esthétique des façades, le projet puise son inspiration dans le modèle des grands magasins parisiens.
Système structurel de la passerelle © Valode & Pistre Architectes
À l'image des grands magasins, le projet est doté d'atriums, de passerelles et de grandes verrières, autant de symboles qui permettent de dialoguer avec la ville mais aussi avec le niveau de la dalle, par les passerelles. Cette architecture est réinterprétée dans un dessin plus géométrique et technique où le choix des matériaux joue un rôle primordial dans l'aspect esthétique du projet. Les façades sont en verre sérigraphié et les verrières intérieures sont réalisées avec un verre dont la couleur change en fonction de la luminosité extérieure.
Toitures végétalisées du centre commercial de Beaugrenelle © Valode & Pistre Architectes
Pensée au milieu des tours, au cœur du quartier de Beaugrenelle, l'insertion urbaine du projet est aussi assurée par le travail de la toiture, envisagée ici comme une cinquième façade occupée. Ponctuées par les verrières colorées, les toitures accueillent aujourd'hui 7000 m² de jardins. Occupés depuis 2020 par une ferme urbaine dédiée aux aromatiques, les jardins sont également pensés en faveur de la qualité de vie des habitants des tours, leur offrant une vue verdoyante sur la Seine. Ces différentes ambitions font du centre commercial un projet phare du quartier, qui a permis d'impulser une dynamique de revalorisation de cette architecture de dalle jusqu'alors réprouvée.
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Tour H15
La tour H15 vue depuis la dalle © Martin Argyroglo
Vous voici devant la tour Beaugrenelle, aussi appelée tour H15. Elle est achevée en 1979 par l'architecte Michel Proux. Associé à Raymond Lopez sur le réaménagement du Front de Seine, cet architecte a un certain monopole sur la réalisation des tours de la dalle. Il participe activement à la conception de huit d'entre elles, dont la tour Évasion 2000 (en dernière étape de ce parcours). Ainsi, bien que distinctes les unes des autres, ces tours présentent une certaine neutralité et sobriété dans leur conception, dotées de façades lisses et d'emprise au sol tramée, plus ou moins identiques. La tour H15 est elle aussi conçue dans un esprit rationnel. Elle se distingue cependant nettement des autres par quelques éléments architecturaux qui en font un point d'intérêt propice à sa réhabilitation. Elle dénote par sa colorimétrie, par la présence de balcons mais aussi par une géométrie pyramidale, qui n'applique pas le système en taille de guêpe commun à la plupart des tours.
La tour H15 avec ses coloris d'origine © Gecina
La tour H15 en 1989 © Atelier Téqui
Sa réhabilitation est lancée en 2013 à la suite du concours remporté par l'agence Louis Téqui architectes. Comme de nombreuses tours de la dalle, la tour H15 est considérée d'intérêt patrimonial et doit répondre aux enjeux esthétiques et thermiques du XXIᵉ siècle. Pour cela, l'agence tient compte des particularités architecturales de cette dernière, afin de mener à bien sa réhabilitation et de mettre ces qualités en valeur. L'ensemble des modifications porte alors sur l'isolation et la modification des façades ainsi que sur la rénovation des parties communes de la tour. Par l'habillage des balcons en panneaux d'aluminium perforés et le ravalement des façades, l'image de cet IGH (immeuble de grand hauteur) se transforme radicalement.
La tour H15 depuis l'intersection des rues Linois et Émeriau © Martin Argyroglo
Partant de l'origine du projet et en cherchant à en révéler les couches successives, les parties communes, au rez-de-chaussée, sont rénovées selon la colorimétrie initiale de la tour, revêtant ainsi un bleu profond. Les architectes se sont également attachés à ce que l'écriture architecturale dialogue avec celle du centre commercial de Beaugrenelle : les perforations ovoïdales répétées de l'aluminium anodisé dans le hall font écho aux losanges en verre des façades du centre commercial.
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Novotel
La tour du Novotel © Martin Argyroglo
La tour du Novotel − auparavant tour Nikko − réalisée en 1976 par le duo d’architectes Jean-Claude Le Bail et Julien Penven, nous replonge dans la modernité plastique chère aux années 70. Cette tour est construite pour la compagnie aérienne japonaise Japan Airlines, d'où son appellation tour Nikko - Nikko, étant le nom d'une ville japonaise. Cette tour adopte donc initialement un style japonisant, dont les intérieurs sont conçus par le designer Pierre Paulin (1927-2009). Racheté en 2001 par le groupe Accor - groupe hôtelier français - et réouverte au public en 2003, le style japonais n'est aujourd'hui plus visible et laisse place à une esthétique plus contemporaine destinée à un tourisme d'affaires.
La tour du Novotel depuis le pont Mirabeau © Martin Argyroglo
C'est sa construction plus tardive, comparativement aux autres tours, qui explique son esthétique aux formes arrondies et colorées. Dénotant des autres au langage architectural plus sobre, la structure de cette tour est entièrement dissimulée derrière un habillage de 1 068 panneaux en aluminium rouge et identifiable depuis la rive opposée. Ses menuiseries sont fixes et semblables à des écrans de télévision, esthétique propre aux années 70, derrière lesquelles sont abritées 764 chambres d'hôtel. Bien que la tour soit l'une des plus originales de la dalle, elle use au même titre que les autres de la préfabrication tant pour ses panneaux métalliques que pour ses éléments de façades en béton.
Le rez-de-chaussée de la tour du Novotel © Martin Argyroglo
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Tour Totem
La tour Totem depuis le quai © Martin Argyroglo
Cette tour d’habitation, réalisée en 1973 par les architectes Michel Andrault et Pierre Parat, se dresse comme un vrai signal sur le Front de Seine. Elle perturbe la logique de conception architecturale du quartier. Sa géométrie prismatique permet de rendre visible sa structure. Pensée à l'origine en des volumes sobres, elle s'affranchit finalement de cette géométrie classique préconisée sur la dalle. Pour cause, le Conseil municipal de Paris souhaite, à l'époque, élargir le choix des architectes en charge du dessin de la dalle afin de diversifier la façade urbaine du Front de Seine.
La tour Totem depuis la dalle © Martin Argyroglo
Les deux architectes choisis ont une totale liberté de conception pour cette tour. Michel Andrault (1926 - 2020) et Pierre Parat (1928 - 2019), architectes mais aussi sculpteurs, se prêtent à de multiples expérimentations avant d'aboutir à une version convaincante à leurs yeux. La tour est envisagée comme une sculpture à taille humaine dont les volumes s'imbriquent les uns dans les autres autour d'un noyau central. La version comprenant six unités d'habitations, tournées à 45° à chaque niveau et soutenues par de grandes poutres voiles sera la version retenue.
La tour Totem © Martin Argyroglo
Libérée du monolithisme du quartier, la tour est cependant conçue selon le mouvement rationaliste, où la structure constitue le concept premier du projet. C'est la structure qui dicte la forme et l'usage. Construite en poutres-voiles apparentes, elle permet de libérer les façades des cubes, entièrement en verre et offrant une multitude d'orientations et de points de vue sur la Seine. Les panneaux de glace emmaillée occupe donc l'ensemble de la façade : les allèges vitrées et les redents aux angles renforcent la géométrie cubique de la tour. La tour Totem, appelée le totem de tous les totems par le peintre Salvador Dalí, fait la démonstration d'une architecture à la fois conceptuelle et plastique qui figure depuis 2018 dans la liste des édifices labellisés Architecture contemporaine remarquable.
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Orion 55
Immeuble Orion 55 © Martin Argyroglo
Dans la logique de rénovation récente du quartier de Beaugrenelle, le bâtiment Orion 55, réalisé en 1973 par les architectes Jean-Claude Jallat, Michel Peron et les ateliers Jean Prouvé, fait l’objet d’une réhabilitation achevée en 2024.
Ce bâtiment de bureaux − siège social historique de l'aménageur (aujourd'hui PariSeine) − adopte une esthétique géométrique rappelant l’univers acidulé et high-tech des années 70. Considéré comme un véritable joyau architectural au cœur de la dalle, la restauration lancée par PariSeine et menée par l’agence & Givry est envisagée à l’aune des enjeux actuels.
L'édifice est un exemple des Cinq points de l'architecture moderne, formulés par Le Corbusier et Pierre Jeanneret en 1927 :
- Les pilotis qui surélèvent le bâtiment et dégagent un espace traversant au rez-de-chaussée ;
- Le toit-terrasse, une toiture sans pente (qui peut être rendue accessible et parfois même végétalisée) ;
- Le plan libre, par l'absence de murs et refends porteurs à chaque niveau, grâce à une structure de type « poteaux-dalles » ;
- Les fenêtres en bandeaux, étirées sur des lignes horizontales grâce à la structure qui permet de s'affranchir des linteaux ;
- La façade libre, conçue indépendamment de la structure.
Restituer et adapter
Les concepteurs souhaitent sublimer cet héritage, afin qu’il puisse profiter d’un second souffle. C'est avec une approche patrimoniale que les architectes mènent le projet de réhabilitation, notamment en se plongeant dans les archives et les plans d'origine pour mieux le comprendre et mieux le restaurer.
Le deuxième enjeu qui a guidé le projet, et pouvant parfois entrer en confrontation avec la contrainte patrimonial, est l'adaptation nécessaire du bâtiment aux normes environnementales les plus exigeantes au moment du projet. Il faut donc améliorer les performances énergétiques, le confort des usagers, tout en s'approchant au plus près de l'aspect initial de l'édifice. Si le bardage en aluminium de la façade est conservé, une isolation en matériaux biosourcés est ajouté.
La restauration mobilise des techniques de réemploi, en réutilisant des éléments provenant du bâtiment ou d'autres sources, et en redirigeant d'autres matériaux extraits du bâtiment vers des filières de réemploi. L'édifice est labellisé Bâtiment Bas Carbone (BBCA, niveau excellent) en 2023.
Signé Jean Prouvé
Jean Prouvé (1901-1984) était un architecte, designer, ingénieur et entrepreneur pionnier de l'architecture industrielle. Son utilisation de l'acier ainsi que son emploi de la préfabrication dans la construction ont marqué l'histoire de l'architecture moderne.
Plusieurs aspects du bâtiment sont caractéristiques de l'architecture de Jean Prouvé, qui a conçu la structure et les façades. Ces dernières sont composées de panneaux modulaires préfabriqués en aluminium, une technique qu'il a décliné pour de nombreuses constructions.
On remarque le soin apporté au dessin des éléments structurels et métalliques, tels que les pilotis, les raidisseurs des murs-rideaux et les menuiseries extérieures.
Le patio © JB Vicquelin - CAUE de Paris
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Mercure III
Le bâtiment Mercure III © Martin Argyroglo
Cet édifice tertiaire au cœur de la dalle Beaugrenelle est réalisé en 1973 par les architectes Henri Pottier et Michel Proux. Conçu selon la logique moderniste de séparation des fonctions, cet immeuble de bureaux sur trois niveaux fait l’objet d’une restructuration, attribuée en 2018 aux agences Chaix & Morel et Renault Chantelou architectes. Mercure III accueille désormais l'IPAG, une école de commerce et de management.
Un élan vertical de la rue à la dalle
Coupe du bâtiment sur l'ensemble de ses niveaux © Chaix et Morel
Le projet de réhabilitation ne concerne en réalité pas seulement la partie visible en superstructure mais aussi les espaces présents en infrastructure − aussi bien dans l'épaisseur de la dalle qu'en sous-sol − qui abritent notamment un généreux hall d'entrée en triple hauteur au rez-de-chaussée. Cette composition verticale contribue à réamorcer le dialogue entre la rue et la dalle.
Quelques extensions gagnées sur les terrasses permettent d'accroître légèrement la surface intérieure, en simplifiant le volume du bâtiment sans le dénaturer.
Une façade réinterprétée
Mercure III avant sa réhabilitation © Chaix et Morel
Au commencement des études, les architectes souhaitent conserver les panneaux de façades colorés − en les restaurant afin qu'ils retrouvent leur éclat d'origine estompé par les UV − mais la présence d'amiante les contraint d'abandonner cette solution. Ils choisissent alors de réinterpréter le dessin d'origine des façades en rubans, en optant pour une succession de bandes horizontales en aluminium. Ils conservent les courbes dessinées et les couleurs vives (rouge, orange, jaune et blanc) tout en déployant le dégradé et le rendant plus vibrant, par l'alternance subtile et astucieuse des coloris et des épaisseurs horizontales.
Coupe de principe de la façade © Chaix et Morel
Les plus fines lames métalliques constituent ainsi des brise-soleils qui participent, avec l'isolation, à l'amélioration du confort thermique, tout en doublant la hauteur des vitrages. L'apport de lumière naturelle est considérablement réhaussé.
Le bâtiment Mercure III © Martin Argyroglo
La toiture est en partie végétalisée lors de la réhabilitation, offrant aux tours voisines une cinquième façade plus avenante.
Cette réhabilitation livrée en 2021 démontre la possibilité de pérenniser, et même de réaffirmer, le patrimoine architectural parfois controversé des années 70.
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Cheminée du Front de Seine
Conçue par le sculpteur François Stahly (1911-2006) et érigée entre 1970 et 1971, cette immense cheminée culminant à 130 mètres est un véritable signal dans le quartier et l'une des plus hautes structures de la capitale. Elle surplombe de 30 mètres les tours du Front de Seine et permet d'évacuer la vapeur produite par l'installation qui chauffe le quartier, raccordée au réseau de chauffage urbain de Paris.
Le village Émeriau et la cheminée du Front de Seine © Hugo Trutt
Alors que le nouveau quartier du Front de Seine se construit, l'agrandissement de la centrale de chauffage urbain alimentant déjà le secteur est étudié. Il nécessite une cheminée que les aménageurs pensent d'abord à intégrer dans l'une des nouvelles tours. Cette hypothèse est cependant écartée et le projet de cheminée devient un ouvrage indépendant. L'architecte Bernard Zehrfuss (1911-1996) déclare alors que « ce projet ne relève plus du travail d’un architecte mais de celui d’un sculpteur » et recommande François Stahly, qui est désigné pour la conception. Le sculpteur collabore étroitement avec les ingénieurs de la CPCU (Compagnie parisienne de chauffage urbain) et des maquettes permettent de réaliser des essais en soufflerie, aboutissant à la forme oblongue finale de l'ouvrage qui est inauguré en 1971.
Maquette du projet de cheminée et de toit-terrasse © CPCU
Aujourd'hui hors-service, une installation de fontaines et d'éclairages accompagne la cheminée à sa base, sur la toiture-terrasse de la chaufferie. Cette mise en scène − partie intégrante du projet − n'est visible que depuis les hauteurs des tours voisines.
Photographie nocturne de la cheminée éclairée et de la toiture-terrasse, carte postale, 1972 © CPCU
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Village Émeriau
Le village Émeriau, la cheminée du Front de Seine et la passerelle franchissant le square Béla-Bartók © Martin Argyroglo
Le village Émeriau témoigne de l’aboutissement d’une pensée moderniste. Les logements traversants, munis de loggias et desservis par une rue intérieure, s'inspirent largement de la Cité Radieuse, conçue par l’architecte Le Corbusier à Marseille. Le programme, habilement conçu au rez-de-chaussée, permet une jonction entre les différents niveaux de dalle et l’insertion de la bibliothèque Andrée-Chedid. Achevé en 1972 par les architectes Jean-Claude Jallat et Michel Proux, cet immeuble a fait l’objet d’une rénovation thermique en 2015.
Le village Émeriau en chantier © PariSeine
Le bâtiment depuis la rue Émeriau en 1970 © PariSeine / Ville de Paris
Le bâtiment depuis la rue Émeriau aujourd'hui © Martin Argyroglo
Dans un souci de cohérence au regard du patrimoine, le langage architectural est maintenu et pratiquement imité par l’agence OdC. L’ajout d’une cage d’escalier en pignon, identique à l’existant, la réfection des ouvrants et la rénovation du pignon en un habillage zinc typique des années 70, constituent la majeure partie des travaux.
La médiathèque Andrée-Chedid © JB Vicquelin - CAUE de Paris
L'esthétique des années 1970 se retrouve dans l'intérieur de la médiathèque, que ce soit avec les poteaux arrondis en béton rainuré, le parapet de la mezzanine tout en courbe ou encore l'utilisation de moquette au sol. Les teintes sont aussi caractéristiques de cette décennie : vert bouteille, marron ou encore jaune moutarde.
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Tour Évasion 2000
La tour Évasion 2000 depuis la rue Émeriau © Martin Argyroglo
Achevée en 1971, la tour Évasion 2000 est l’une des premières tours construites sur le Front de Seine. Elle adopte donc une architecture fidèle aux prescriptions du plan d’urbanisme directeur.
Construction de la tour Évasion 2000 © PariSeine
Posée en équilibre sur la dalle, avec son profil en taille de guêpe, son soubassement habillé de carreaux de céramique témoigne d’un certain standing, qui se confirme à l’intérieur.
Hall d'entrée de la tour Évasion 2000 © JB Vicquelin - CAUE de Paris
On y trouve notamment des éléments de décor soignés au rez-de-chaussée, réalisés par les artistes Sido et François Thévenin. Ses retraits aux angles et la répétition des trames vitrées sur les 32 étages expriment le souhait d’un retour à l’ordre dans l’urbanisme européen.
La tour Évasion 2000 depuis la rue Schutzenberger © Martin Argyroglo
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Activités annexes
Accéder au au parcours
Bus
Javel (lignes 30, 62 et 88)
Métro
Javel - André Citroën (ligne 10)
Vélib'
Station n°15064 (Javel - André Citroën)
RER
Javel (ligne C)